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Dans le petit matin, Yfic a quitté la plaine morne et brumeuse et sa guirlande de champs et forêts pour retrouver le ciel gris et bas de la lande dépouillée. 

Penser à tous ces sujets, presque comme un adulte, a permis à Yfic de parcourir une bonne distance sans s’en rendre compte. Malgré une impression de tristesse profonde qui sourd de ce paysage, le courageux enfant continue bravement son chemin dans ce pays qui semble totalement vide de gens comme de bêtes domestiquées.

 Pour le mettre en jambes, lors de la montée fatigante, la nature a posé quelques rares pousses, d’herbe de Saint-Antoine et des arbustes qui en mai montrent une profusion de fleurs blanches. Les pommiers sauvages, bien que rachitiques, égaient, un peu, le maigre sol entre les nombreuses plaques rocheuses. Leurs fruits très amers deviendront comestibles en septembre. Pourtant, l’enfant perdu se souvient qu’il s’en nourrit durant le dernier hiver qu’il passa solitaire en cette terrible région. La maléfique saveur lui revient dans la bouche, il crache pour s’en débarrasser. Se penchant, sans ralentir le pas, il cueille deux fleurs de luzerne pour les mâcher en utilisant le goût sucré dans le but de chasser ce souvenir.

Les villages qui se nichent en périphérie de la montagne et les quelques rares fermes isolées demeurent cachés dans des replis de terrain. Le gentil Yfic pense aux enfants qui habitent dans ces dernières sans aucun camarade pour jouer avec eux. Lui-même, qui connut ce grand manque, se trouve bien plus heureux maintenant. Bien que petit commis, il bénéficie de la compagnie d’une dizaine de garçons aux têtes en broussaille durant les deux heures de détente dont il dispose, chaque soir, pendant la traite des vaches.

Yfic sent son cœur s’élever vers l’espace infini quand, à l’aube naissante, il peut admirer le timide soleil. «An Heol» (le Phébus romain) se lève, magnifiant tant de splendeur. Ce miracle forgé par son subconscient ne dure pas.

Désert complet en ce qui concerne les êtres visibles, hommes ou animaux, d’étranges ombres ne manquent pas de l’inquiéter. À toutes fins utiles, il marmonne ses prières du matin.

Monsieur Guermeur le mit en garde.

– Tu remarqueras que les lumières et brouillards qui folâtrent dans les rochers créaient des images fantomatiques que les femmes n’aiment pas. Un gaillard comme toi doit négliger ces phénomènes qui ne présentent aucun danger.

– Ne craignez rien! Ayant passé beaucoup de temps à traîner dans ces contrées avant d’être recueilli, je les connais. Je deviendrai bientôt un homme, ces histoires de grand-mères qui horrifient les filles ne peuvent m’atteindre.

– Je n’en attends pas moins de toi. Le jeune ne voit pas l’étincelle de malice dans l’œil de son patron, il sait les prendre ses garçons. Il trouve les mots pour qu’ils aient envie de se dépasser.

Pourtant Yfic n’en mène pas large. La précédente affirmation, bien qu’exprimée sur un ton volontaire, ne le rassérène qu’à moitié. Face à la magie des mystères païens des landes Braspartiennes, le grain de folie qui résulte des vieilles croyances celtiques glace le sang des plus intrépides. Mais lui déclare aimer que son âme tressaille devant tout ce qui concerne sa courageuse race.

– J’entends le vent de l’intérieur, celui qui amène toujours le froid au point jour pour me donner des frissons, se conforte le petit bonhomme pour trouver une excuse aux quelques tremblements importuns qu’il ressent comme une injure.

Madame Guermeur a ajusté une nouvelle vareuse à peu près à sa taille en la tirant d’un vêtement de son fils disparu en mer. L’ensemble constitué d’un grossier tissu en chanvre mélangé avec un peu de laine, bien qu’usagé, reste agréable à porter, même si la bise se glisse entre les trames peu serrées.

 Comme il se rend à la ville, elle lui a demandé, pour l’honneur de la maison à laquelle il appartient, de ne pas mettre sa blouse de jour trop simple pour l’occasion ni son beau gilet brodé, inadapté pour ce travail. Le patron, pour son dernier Noël, lui offrit son chapeau d’homme, il emploie cet ornement dans avec l’intention de se montrer adulte.

Soizic a retaillé le vêtement de fête en utilisant une relique trouvée dans le grenier, cadeau de la maîtresse.

Yfic continue crânement son chemin. Il s’est déchaussé de ses sabots qui le gênent pour aller vite et les porte, autour de son cou, attaché avec la ficelle qui ne quitte pas sa poche.

Les villages se nichent en périphérie de la montagne et les quelques rares fermes isolées demeurent cachées dans des replis de terrain.

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